Imagerie de la
vasculopathie cérébrale drépanocytaire

Sommaire

Les complications neurologiques de la drépanocytose

Physiopathologie de la vasculopathie drépanocytaire

Qu'est-ce que le Doppler transcrânien ?

Anatomie de la vascularisation artérielle cérébrale

Quel est l'apppareil utilisé pour le Doppler transcrânien ?

Pas de correction d'angle

Comment l'examen se déroule-t-il?

Rédaction du compte rendu

Quels sont les facteurs influençant les vitesses?

Quels sont les facteurs permettant de prédire l'apparition d'un DTC pathologique?

Quelles sont les bases de l'utilisation du DTC chez l'enfant drépanocytaire?

Quelle est la fréquence des DTC pathologiques chez les enfants drépanocytaires?

Comment évoluent les vitesses sous transfusion?

Quelles sont les lésions vues en imagerie en résonance magnétique (IRM)?

L'ARM

Qu'est-ce que l'imagerie de diffusion?

A quelle fréquence le DTC doit-il être répété et quelles sont les indications de l' IRM?

Bibliographie

Mise à jour 13 janvier 2017-12-11

LES COMPLICATIONS NEUROLOGIQUES DE LA DREPANOCYTOSE

Environ 25 % des patients drépanocytaires vont présenter un accident vasculaire cérébral (AVC) au cours de leur vie. Il s’agit d’un accident ischémique dans 64 à 75 % des cas, en particulier chez l’enfant ou d’un accident hémorragique dans 25-36% des cas, le plus souvent chez l’adulte. L’AVC est une cause importante de mortalité dans la drépanocytose et est pourvoyeur d’handicap frappant des enfants et des adultes jeunes. L’AVC chez l’enfant drépanocytaire n’est plus une fatalité. On dispose maintenant de traitements efficaces qui ont permis de réduire considérablement l’incidence de l’AVC.

 

 

 

 

 

 

 

L’AVC survient le plus souvent avant 10 ans avec un pic de fréquence entre 2 et 5 ans. Le taux de récidive est très élevé, de l’ordre de 60% dans les 2 à 3 ans en l’absence de traitement préventif, surtout s’il existe une artériopathie sous jacente.

Les infarctus dits « silencieux » sont des lésions ischémiques en général micronodulaires de la substance blanche détectées en IRM chez des patients sans antécédent d’AVC. Leur incidence est de 15 à 22% avant l’âge de 14 ans, le risque cumulatif est de 39.1% chez les patients SS/Sb0 patients avant 18 ans.
Ils surviennent précocement. La prévalence est déjà de 13% chez les nourrissons Hb SS (âge moyen 13,7 mois). Mais le risque de survenue perdure tout au long de la vie du patient. Ils sont associés à une a
ltération des performances  cognitives et à un risque accru d’AVC.

L’incidence des anévrismes intracrâniens est accrue chez les patients drépanocytaires. Ils sont souvent multiples, de petite taille < 5 mm, de localisation vertébro-basilaire.

PHYSIOPATHOLOGIE DE LA VASCULOPATHIE DREPANOCYTAIRE

Les complications  cérébrales de la drépanocytose sont le plus souvent de type ischémique, c-à-d  résultent d’une diminution ou interruption de l’apport sanguin au cerveau (O2 et nutriments)

Les besoins en O2 du cerveau sont considérables. La consommation du cerveau représente  20% de l’O2 consommé par l’organisme alors que son poids n’est que de 2% du poids du corps. Le cerveau ne supporte pas l’hypoxie même de quelques mn, qui expose au risque de souffrance neuronale.

Les complications de la drépanocytose résultent des modifications du transport de l’oxygène dans l’organisme liées aux propriétés anormales de l’hémoglobine mutée HbS présente dans les globules rouges.

 La vasculopathie cérébrale drépanocytaire résulte le plus souvent d’une artériopathie des artères cérébrales et des artères à destinée encéphalique. Cette macroartériopathie est retrouvée dans 75% des AVC de l’enfant porteur d’un syndrome drépanocytaire majeur et chez 10% des patients. Il s’agit d’une sténose des artères carotides internes intracrâniennes, en général au niveau du siphon et de la terminaison carotidienne, de l’origine des artères cérébrales moyennes et antérieures, s’aggravant progressivement jusqu’à l’occlusion avec développement d’un réseau de petites collatérales similaire à la maladie Moyamoya. Les lésions sténotiques peuvent siéger également au niveau de la portion extracrânienne des artères carotides internes, de l’ostium à l’entrée dans le crâne, en particulier à l’endroit d’une plicature ou d’une sinuosité marquée de l’artère.

La lésion histopathologique est une hyperplasie de la media et de l’intima. Le mécanisme est complexe et multifactoriel. La lésion initiale semble être une agression de l’endothelium vasculaire par le biais de l’hypoxie, des barotraumatismes liés aux vitesses élevées que l’on rencontre chez le drépanocytaire en rapport avec l’anémie chronique, d’une adhésivité anormale des drépanocytes à l’endothelium, de l’inflammation produite par les cycles d’ischémie/reperfusion. Ceci entraîne la libération de cytokines conduisant à un dysfonctionnement endothélial, la stimulation de cellules inflammatoires, et l’activation de prothrombotiques (protéine C, S) et de molécules proadhésives (ICAM-1, VCAM-1) tandis que la production des médiateurs cytoprotecteurs est inhibée (NO). Une instabilité du tonus vasculaire et une sensibilité aux variations du taux de NO ont aussi été impliqués. La localisation préférentielle des lésions artérielles au niveau des artères du polygone de Willis et des plicatures extracrâniennes et l’âge précoce dans la première décennie de la constitution des lésions sont vraisemblablement liés au régime circulatoire de ces segments soumis à des vitesses élevées et à des irrégularités de flux. En effet les mesures de débit sanguin cérébral au xénon et les études Doppler ont montré qu’il existe à l’état basal chez le drépanocytaire une augmentation du volume et du débit sanguin cérébral en rapport avec l’anémie chronique avec des vitesses circulatoires élevées. Les vitesses sont particulièrement élevées dans la première décennie.

 

Quelques définitions

      CMRO2 = (CaO2 - CvO2) x CBF où CvO2 : contenu en O2 du sang veineux mêlé.

      valeur normale SvO2: 70%

   Donc : CMRO2 = (1.34 x Hb) x (SaO2 - SvO2) x CBF 

OEF = CMRO2 /DO2
OEF  = (CaO2 - CvO2) / CaO2 = (SaO2 - SvO2) / SaO2
valeur normale :  25 - 30 %

      SvO2 = SaO2 – (CMRO2 /(CBF x Hb x 1.34))

      SvO2 basse quand OEF élevée

 

La baisse du contenu en O2 de l’hémoglobine du à l’anémie entraîne en 1er lieu une augmentation du débit sanguin cérébral CBF grâce à une vasodilatation cérébrale régionale et une augmentation du débit cardiaque,  puis  une augmentation de l’extraction tissulaire de l’O2 permettant le maintien d’une consommation d’O2 normale CMRO2

De plus la plus faible affinité de HbS pour l’O2 favorise le largage de l’O2.

Mais en cas de baisse du débit sanguin cérébral, par aggravation de la sténose artérielle par exemple, la CMRO2 va chuter entraînant la souffrance cellulaire.

De plus la vaso-réactivité cérébrale est diminuée, induisant une réponse insuffisante à une augmentation de la demande énergétique, un changement brutal de la viscosité sanguine ou une baisse de la pression de perfusion.

http://www.medecine.unige.ch/enseignement/apprentissage/module3/pec/apprentissage/neuroana/3/32/foto/32.jpgEnfin le risque élevé d’épisodes d’hypoxie/ischémie tissulaire tient aussi aux propriétés d’agréggabilité et de déformabilité diminuée des hématies HbS avec ralentissement du flux et formations de bouchons dans les capillaires et veinules.

Les territoires les plus à risque d’accidents ischémiques hémodynamiques sont les régions cortico-sous-corticales frontières entre deux territoires artériels, en particulier le territoire jonctionnel antérieur entre le territoire de l’artère cérébrale antérieur et celui de l’artère cérébrale moyenne et la substance blanche irriguée par des artérioles perforantes linéaires espacées sans anastomose.

 

L’accident vasculaire cérébral


Chez les enfants drépanocytaires, le risque d’AVC est multiplié par 220. L'’AVC, lorsque aucune stratégie de prévention n’est mise en œuvre, touche 10 à 17% des drépanocytaires. L’AVC survient précocement : 37% entre 5 et 10 ans, 20% avant 2 ans. Les accidents sont ischémiques dans 75% des cas et presque toujours chez l’enfant, hémorragiques dans 25 % des cas, surtout chez l’adulte.
Cliniquement il se manifeste par une hémiparésie, aphasie ou dysphasie parfois associée à des convulsions, par des troubles de conscience, des troubles du comportement, des céphalées.
Il peut survenir sans prodrome ou lors d’une crise vaso-occlusive, d’une fièvre ou d’un accès palustre, ou lors d’une transfusion ou d’une saignée lors d’un échange.
Certains facteurs favorisants ont été identifiés, à savoir l’existence d’une sténose artérielle intracrânienne dépistée par Doppler transcrânien, d’une anémie sévère, des antécédents de syndrome thoracique aigu, l’existence d’une hypoxémie nocturne.
L’AVC est pourvoyeur de séquelles motrices (37% au premier épisode) et surtout cognitives. Le taux de récidive est très élevé de 67% dans les 36 mois dans 80 % des cas. La mise sous traitement intensif permet de diminuer ce taux à 10 % sous programme transfusionnel et 6% après greffe de cellules souches hématopoiétiques.
Le traitement de l’AVC repose sur le programme transfusionnel qui vise à maintenir le taux d’hémoglobine S à moins de 30%. Il réduit le risque de récidive de 67% à 10% (Russel 1984), mais le risque remonte à 50 % si les transfusions sont arrêtées.(Wang 1991). Les transfusions stabilisent les lésions de vasculopathie, mais on observe une reprise évolutive à l’arrêt des transfusions Russel 1984.
La greffe de cellules souches hématopoïétiques est proposée s’il y a un donneur génoidentique.
L’Hydrea a été proposé, mais on a observé un taux de récidives précoces de 19% dans les 3 à 4 mois. Il a peut-être une indication si le programme transfusionnel est impossible. (Ware Blood 1999)

QU’EST-CE QUE LE DOPPLER TRANSCRANIEN?

Apparu en 1982, le Doppler transcrânien est une technique ultrasonore qui permet d’étudier la circulation des grosses artères intracrâniennes. Il permet de visualiser les artères du cercle de Willis, d’évaluer leur perméabilité et de recueillir le spectre des vitesses circulatoires du flux sanguin en temps réel. La vitesse du flux sanguin dans un vaisseau dépend de 2 facteurs qui sont le débit dans le vaisseau et la surface du vaisseau. Pour un débit identique, la vitesse augmente lorsqu’il existe une sténose. Une vitesse augmentée témoigne soit d’une augmentation de débit sans changement de diamètre, soit d’un rétrécissement de la lumière artérielle sans changement de débit soit de l’association des 2 phénomènes. Les capacités de vasodilatation des segments artériels proximaux des vaisseaux intracrâniens étant faibles, une vitesse basse témoigne toujours d’un débit faible.

ANATOMIE DE LA VASCULARISATION ARTERIELLE CEREBRALE

Deux systèmes artériels irriguent le cerveau, un système antérieur (carotidien) et un système postérieur (vertébral).

L'artère carotide commune est issue du tronc artériel brachio-céphalique à droite et directement de l'aorte à gauche. Elle a un trajet ascendant et chemine dans la gouttière carotidienne en dedans de la veine jugulaire et du muscle sterno-cléido-mastoïdien. Elle ne donne pas de branche collatérale. Elle se divise à la hauteur de C3-C4 en artères carotides interne et externe.

L’artère carotide interne comprend 4 segments : cervical, intra pétreux, caverneux et cérébral.

L’artère carotide interne dans son trajet extra crânien rejoint l'espace maxillo-pharyngien, en avant et en dedans de la veine jugulaire interne  

Elle pénètre ensuite dans le rocher par le canal carotidien où elle a dans un premier segment un trajet vertical et dans un second un trajet horizontal où elle contourne la caisse du tympan. Elle quitte le rocher par le trou déchiré antérieur et gagne la loge caverneuse.

 

 


Son trajet intra caverneux correspond au siphon. On décrit cinq segments au siphon : C5 vertical, C4 horizontal, C3 en épingle à cheveux à concavité postérieure, C2 ou supra-clinoïdien oblique en haut et arrière et C1 court oblique en haut et dehors. Elle perfore la dure-mère et pénètre dans les espaces sous-arachnoïdiens en arrière des apophyses clinoïdes antérieures

L’artère ophtalmique naît du siphon carotidien à la sortie du sinus caverneux à la jonction C2-C3. Elle se dirige vers l’avant, dans le canal optique pour pénétrer dans l’orbite. Le segment terminal C1 de la carotide interne donne naissance à l’artère communicante postérieure et l’artère choroïdienne antérieure.


L’artère communicante postérieure se dirige vers l’arrière et en dedans pour s’anastomoser avec l’artère cérébrale postérieure. Elle peut être large quand le segment P1 de l’artère cérébrale postérieure est hypoplasique. La communicante postérieure peut servir de voie de suppléance en présence d’une occlusion de la CI en amont, les artères cérébrales moyenne et antérieure étant vascularisée par le système postérieur. Elle circule le plus souvent du système carotidien vers le système vertébrobasilaire des hautes vers les basses pressions.

L’artère carotide interne se divise en 2 branches terminales, l’artère cérébrale moyenne appelée aussi sylvienne la plus large et l’artère cérébrale antérieure.

L‘artère la plus importante en diamètre et longueur est l’artère cérébrale moyenne (ACM) qui irrigue la plus grande partie de la face latérale de l’hémisphère et assure 60 à 80 % du débit sanguin de l’hémisphère. Après sa naissance, l’ACM se dirige en dehors et horizontalement vers la vallée sylvienne. (segment M1), puis elle se divise en 2 ou 3 branches (segment M2) qui décrivent rapidement une courbe vers le haut, en dehors et en arrière. Ses branches terminales s’anastomosent avec les branches terminales des artères cérébrales antérieure et postérieure à la surface du cerveau.

L’artère cérébrale antérieure est la plus petite des branches terminales de la CI. Elle se dirige vers l’avant et en dedans vers la scissure inter hémisphérique. Ce segment proximal A1 est relié au segment A1 controlatéral par l’artère communicante antérieure. En aval de l’artère communicante, l’ACA décrit une courbe vers le haut et chemine parallèlement à l’artère controlatérale dans la scissure hémisphérique( segment A2). Elle peut être hypoplasique (4%) voir absente (1%).
L’artère communicante antérieure est une artère courte qui unit les 2 ACA. Elle peut être absente, ou dédoublée, voir réticulée.
Les artères vertébrales sont des branches des artères sous-clavières. On décrit 4 segments, prévertébral, intertransversaire, horizontal ou atloïdo-axoïdien et intracrânien. Le segment intracrânien V4 s’étend de la sortie du canal transversaire de l’atlas à la jonction avec la vertébrale controlatérale. Ce segment pénètre dans le crâne par le trou occipital et chemine en avant du tronc cérébral dans la citerne prébulbaire selon un axe oblique en haut en dedans et en avant. Plusieurs branches naissent du segment intracrânien, les artères spinales postérieures et antérieures et l’artère cérébelleuse postéro-inférieure (PICA) qui est la plus importante.
Le tronc basilaire est formé de la réunion des 2 artères vertébrales en regard du sillon bulbo-protubérantiel. Son orientation, sa taille et sa longueur sont variables (2 à 3.5 cm). Il est habituellement rectiligne chez le sujet jeune. Il donne plusieurs branches, l’artère cérébelleuse antéroinférieure (AICA), les artères labyrinthiques, du pont et cérébelleuses supérieures. Il se termine en deux artères cérébrales postérieures en avant des pédoncules cérébraux.
L’artère cérébrale postérieure naît du tronc basilaire et se dirige en avant et en dehors. Le segment entre l’origine et la communicante postérieure est le segment P1. Puis l’artère cérébrale postérieure contourne les pédoncules cérébraux dans son segment P2.

Polygone de Willis en vue axiale

Le polygone de Willis décrit par Sir Thomas Willis en 1664 est composé des 2 segments A1, de la communicante antérieure, les 2 communicantes postérieures, les 2 artères carotides internes et les 2 segments P1 des artères cérébrales postérieures. C’est un cercle anastomotique à la base du crâne faisant communiquer le flux sanguin entre les 2 hémisphères et entre les systèmes antérieur et postérieur. Ces dérivations sont mises en jeu quand il y a une occlusion ou une sténose sévère d’un segment. Les variations sont possibles concernant les segments A1, P1 et les communicantes postérieures.

 

Il existe aussi des anastomoses entre le système carotidien externe et interne (artère ophtalmique), ainsi que des anastomoses cortico-pie-mériennes entre les branches corticales des artères cérébrales antérieures, moyennes et postérieures. Par contre, les branches profondes de toutes les artères cérébrales ne s'anastomosent pas. Leur mode de vascularisation est donc de type terminal (sauf les branches profondes destinées au thalamus).

Vue coronale des branches carotidiennes terminales

 

Territoires artériels à la face externe de l’hémisphère

 

La vascularisation artérielle des hémisphères cérébraux est donc assurée par les artères cérébrales antérieure, moyenne( toutes deux issues de la carotide interne), et postérieure issue de la bifurcation du tronc basilaire et par l’artère choroïdienne antérieure issue de la carotide interne. Chacune possède un territoire profond et un territoire superficiel. La vascularisation du cortex dépend des trois grandes artères cérébrales. Du réseau artériel lepto-méningé, naissent des branches perpendiculaires de taille distinctes. On distingue
Les artères corticales courtes, moyennes et longues qui se terminent dans les différentes couches neuronales du cortex.
Les artères de la substance blanche ou artères perforantes superficielles longues irriguant la substance blanche.

Ce sont des artères terminales, sans anastomose. Les artères corticales sont nettement plus nombreuses que les artères de la substance blanche.
La substance blanche est aussi vascularisée par des artères perforantes profondes, nées des artères de la base du crâne : ce sont les artères lenticulo-striées et les artères des noyaux thalamiques .A la limite des territoires des artères perforantes superficielles et profondes, il existe un territoire jonctionnel , dit profond, situé dans la substance blanche. De même, il existe à la limite des trois grands territoires corticaux, des territoires jonctionnels corticaux superficiels. Ceci explique la localisation des lésions ischémiques de la drépanocytose, car ce sont des territoires exposés en premier lieu à une baisse de débit sanguin cérébral.

 

QUEL APPAREIL UTILISE T’ON POUR LE DOPPLER TRANSCRANIEN ?

On utilise un appareil d’échographie Doppler couleur avec une sonde phased-array transcrânienne dédiée de 1,8 à 3 Mhz et de petite empreinte. Une sonde d’échographie cardiaque adulte convient aussi. Le patient est en décubitus dorsal la tête tournée sur le coté vers la droite pour l’exploration des artères gauches par fenêtre temporale et vice versa  L’examinateur se place à sa droite comme pour une échographie abdominale. La hauteur du lit d’examen doit être réglée de telle sorte que le dos de l’examinateur soit droit. L’écran doit être déplacé à hauteur des yeux. Enfin il convient d’appuyer son avant-bras sur le lit d’examen ou sur la poitrine du patient afin de stabiliser sa main, car il va être nécessaire d’appliquer à la sonde de petits mouvements de bascule à partir du point de contact sur la tempe du patient.

 

Les trois modalités sont utilisées :

L’imagerie bidimensionnelle permet le repérage du mésencéphale, sous forme d’une image hypoéchogène en forme de papillon ouvrant ses ailes vers l’avant.

Le Doppler couleur (pulsé bidimensionnel) permet d’obtenir une cartographie des flux en temps réel, ce qui facilite le repérage rapide des zones d’accélération et le positionnement optimal de l’enregistrement spectral.

Enfin l’analyse spectrale par Doppler pulsé permet l’enregistrement des vitesses en un point précis.

L’examen  sera complet c-à-d doit comporter l’enregistrement des deux côtés, en intracrânien, des artères ACM, ACA, ACP, ACI en C1/C2 et en C3/C4 et en cervical des artères carotides internes. 


COMMENT SE DEROULE L’EXAMEN ?

Cinq fenêtres acoustiques sont utilisées

 

Pour la fenêtre temporale, la sonde est placée sur la tempe au dessus du zygoma au contact du lobe de l’oreille. La sonde est orientée de manière à obtenir une coupe horizontale du cerveau comparable à une coupe axiale de scanner, passant par les pédoncules cérébraux. L’hémisphère homolatéral est en haut du champ d’exploration et l’hémisphère controlatéral en bas. La position et l’orientation de la sonde sont légèrement modifiées, jusqu'à ce que l’on obtienne en imagerie noir et blanc une bonne visualisation des pédoncules cérébraux, structure hypoéchogène en forme de papillon ou cœur située à une profondeur d’environ 50 mm. La scissure interhémisphérique est repérée, de même que la scissure de sylvius.

L’absence de fenêtre acoustique est rare chez l’enfant, rencontrée dans moins de 1 % des cas. Elle peut être unilatérale et variable d’un examen à l’autre. Après passage en mode couleur, on obtient une vue complète du polygone de Willis avec généralement visibilité simultanée du système carotidien et du système postérieur.


L’artère cérébrale moyenne est identifiée, codée en rouge avec un flux se dirigeant vers la sonde. Puis la ligne de tir Doppler pulsé est appelée et la porte de 4 à 5 mm de largeur est placée à l’origine de l’ACM. L’orientation et la localisation de la sonde sur la tempe sont légèrement modifiées de telle sorte que la ligne de tir soit le plus parfaitement alignée avec l’axe du vaisseau. La porte est déplacée de 2mm en 2 mm de la profondeur vers la superficie, au centre du vaisseau, pour balayer l’ensemble de l’artère tout en laissant le tracé des vitesses en doppler pulsé se dérouler. Le gain Doppler est réglé de telle sorte que le bruit de fond soit juste apparent. La vitesse est mesurée à la profondeur où le spectre est le plus élevé.

Par cette fenêtre, on étudie également l’artère cérébrale antérieure dans son segment A1 précommunicant , 2ème branche de la bifurcation carotidienne avec un flux s’éloignant de la sonde codé en bleu. L’artère cérébrale postérieure est enregistrée dans son segment P1 codé en rouge peu après son origine.
L’artère communicante antérieure n’est pas visualisée du fait de sa petitesse et de son orientation.

coupe axiale IRM passant par la base du crâne. Les pédoncules cérébraux sont repérés

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Echographie couleur dans le même plan.

On becque ensuite légèrement la sonde vers le bas d’une dizaine de degrés pour étudier le siphon carotidien ; d’abord la terminaison carotidienne (segments C1-C2) codée en rouge, puis en becquant un peu plus vers le bas, les segments C3-C4 codés en bleu. A ce niveau l’artère est bordée de part et d’autre par une ligne hyperéchogène correspondant aux parois du sinus caverneux.

 

P4160030

La fenêtre sous-occipitale permet de visualiser en coupe frontale oblique la convergence des deux artères vertébrales et le tronc basilaire formant un Y codé en bleu, le flux s’éloignant de la sonde. Pour l’exploration du tronc basilaire, le patient est en décubitus latéral, menton sur la poitrine, bien médian.

Les artères carotides internes dans leur segment extracrânien sont étudiées avec la même sonde transcrânienne, placée sous l’angle mandibulaire avec une orientation ascendante bien sagittale  L’artère est codée en bleu avec un flux s’éloignant de la sonde.

On analyse d’abord le trajet de l’artère, qui peut être rectiligne ou légèrement sinueux, ou être le siège d’une plicature de l’artère avec un changement de direction à angle aigu, ce qui se voit dans un quart des cas. Cette dernière conformation anatomique est une variante de la normale, rencontrée avec la même fréquence dans la population générale, mais qui expose le patient drépanocytaire à un risque élevé de sténose du fait des modifications du flux cérébral existant chez le drépanocytaire en réaction à l’anémie et aux modifications des propriétés rhéologiques des hématies.

Image1

Plicature de l’artère cérébrale interne dans son segment extracrânien

 

Artère carotide interne extracrânienne codée en bleu avec un trajet rectiligne et des vitesses normales

PAS DE CORRECTION D’ANGLE

La qualité de l’image intracrânienne dépend du bon ajustement de différents réglages : puissance acoustique suffisante ( high ou 100%), gain couleur, focale (4 à 5 cm), adaptation de l’échelle de vitesse (PRF) aux vitesses élevées rencontrées chez les drépanocytaires (en général échelle couleur de -100 à + 100 cm/sec), vitesse de déroulé du tracé des vitesses et taille du spectre . La cartographie couleur des flux permet de repérer les artères et de bien placer la fenêtre de Doppler pulsé en modifiant légèrement la position et l’orientation de la sonde de manière à aligner l’axe de tir Doppler et l’axe du vaisseau et obtenir le meilleur spectre Doppler. L’angle obtenu doit être le plus proche de 0. Aucune correction d’angle n’est faite, d’une part parce que les études américaines ont été faites avec un Doppler dédié à l’aveugle, donc sans correction d’angle possible, d’autre part et surtout car la correction d’angle introduit un risque élevé de surestimation de la vitesse et donc de faux positifs. L’angle intervenant par son cosinus dans l’équation de base du Doppler, une correction erronée de 60° entraîne une surestimation de la vitesse de 100%.

 

Fd = 2.v/c Fe Cos θ

Fd : différence de fréquence entre la fréquence émise et la fréquence reçue. Fd est positif si le déplacement se fait vers la sonde et négatif s’il s’en éloigne.
Fe : fréquence d’émission des ultrasons
V : vitesse de déplacement de la cible
C : vitesse des ultrasons dans le milieu ambiant
Cos θ : cosinus de l’angle entre la direction de la cible et du tir Doppler



Les mesures sont faites après tracé électronique ou manuel de l’enveloppe d’un ou deux spectres. La vitesse systolique et la moyenne des vitesses maximales au cours d’un cycle (appelée selon les constructeurs TAP par ATL/Philips, TAMX par Acuson, Vm par Hitachi, Toshiba, TMMAX par GE) sont notées.

REDACTION DU COMPTE RENDU

Le paramètre utilisé est la vitesse moyenne de vitesses maximales au cours d’un cycle exprimée en centimètres par seconde. car elle est moins affectée par les variations hémodynamiques générales (fréquence cardiaque, résistances périphériques) que les vitesses systoliques et diastoliques. A l’état normal, les vitesses de l’ACM sont les plus élevées. Et les vitesses dans le système antérieur carotidien sont supérieures aux vitesses du système vertébrobasilaire. La différence de vitesse entre les artères cérébrales moyennes droite et gauche est normalement inférieure à 30%.


Le compte-rendu est rédigé sous forme d’un tableau donnant pour les 11 artères la vitesse la plus élevée. L’examen est classé normal, limite, pathologique, ou incomplet.

Examen normal : toutes les vitesses moyennes sont inférieures à 170 cm/sec
Examen limite : au moins une vitesse est comprise entre 170 cm/sec et 199 cm/sec
Examen pathologique : au moins une vitesse est supérieure ou égale à 200 cm/sec
Examen incomplet : une ou les deux fenêtres temporales ne sont pas accessibles.

 

Vitesse moyenne cm/sec

Droite

Gauche

Artère cérébrale moyenne

 

 

Artère cérébrale antérieure

 

 

Artère cérébrale postérieure

 

 

Artère carotide interne  intracrânienne

 

 

Artère basilaire

 

 

Artère carotide interne cervicale

 

 


QUELS SONT LES FACTEURS INFLUENCANT LES VITESSES ?

L’âge

Les vitesses varient avec l’âge, chez l’enfant drépanocytaire homozygote SS, comme chez l’enfant non drépanocytaire. Elles sont plus hautes entre 3 et 12 ans avec un pic de vitesse vers 7-8 ans. Notons que cette tranche d’âge est celle du risque maximum d’AVC.

 

L’hématocrite

L’hématocrite est le pourcentage d’hématies sur le volume sanguin total et le déterminant principal de la viscosité sanguine. Les vitesses intracrâniennes sont inversement proportionnelles à l’hématocrite. Elles augmentent en cas d’anémie par augmentation du débit cardiaque, diminution de la viscosité sanguine et baisse des résistances intracrâniennes, ce qui permet de maintenir malgré l’anémie une bonne oxygénation du cerveau. De ce fait les critères utilisés chez l’enfant drépanocytaires sont différents des critères utilisés chez l’adulte.

La fièvre

La fièvre augmente le débit sanguin cérébral de 10% environ.

Le dioxyde de carbone

Le dioxyde de carbone est un puissant modificateur du débit sanguin cérébral et des vitesses intracrâniennes. L’hyperventilation responsable d’une diminution de la PCO2 entraîne une diminution de la vitesse de l’ACM et une augmentation de l’IP. L’hypoventilation par le biais de l’hypercapnie induit une augmentation de la vitesse de l’ACM et une baisse de l’IP. Le sommeil par le biais de l’hypercapnie entraîne une augmentation des vitesses. A contrario, les cris entraînent par l’hypocapnie une diminution des vitesses.

Y-A-IL DES FACTEURS PERMETTANT DE PREDIRE L’APPARITION D’UN DTC PATHOLOGIQUE ?

Les études menées à Créteil montrent le rôle majeur de l’anémie dans la survenue des DTC pathologiques puis des sténoses : les patients SS dont le taux de base d’Hb est > 7g/dl ont un risque de 7.8% d’avoir un DTC pathologique avant 5 ans tandis que ceux avec anémie sévère < 7g/dl ont un risque de 37.5%.

Multivariate logistic regression analysis showed that alpha-thalassemia [OR= 0.16, 95%CI (0.04-0.64)], (p=0.009); G6PD deficiency [OR=8.62, 95%CI (2.36-31.4) ], (p=0.00011) and LDH levels [OR= 23.6, 95%CI (3.36-165.4)], (p=0.0015) were independent risk factors of abnormally high velocities.

QUELLES SONT LES BASES DE L’UTILISATION DU DTC CHEZ L’ENFANT DREPANOCYTAIRE ?

Le DTC détecte les sténoses artérielles intracrâniennes

La première publication rapportant l’intérêt du DTC chez les enfants drépanocytaires date de 1990. En comparant les vitesses de 6 enfants drépanocytaires ayant des antécédents d’AVC et des sténoses intracrâniennes prouvées par artériographie et celles de 115 enfants drépanocytaires sans antécédent neurologique, Adams a montré qu’une vitesse de l’ACM, l’ACA ou de la CI terminale supérieure ou égale à 1,90 m/sec évoque fortement une sténose focale. (Am J Pediatr Hematol Oncol 1990) Dans une étude plus large portant sur 34 patients âgés de 2 à 30 ans (moyenne 12+/-6) ayant eu un AVC, explorés par DTC et en utilisant l’artériographie comme gold-standard, il note une sensibilité du DTC de 90 % et une spécificité de 100 % avec les critères suivants : une vitesse moyenne supérieure ou égale à 2 m/sec évoque une sténose, l’absence de flux dans l’ACM ou un flux lent inférieur à 0,70 m/sec dans l’ACM est en faveur d’une thrombose de la CI et/ou de l’ACM, le flux lent enregistré étant en rapport avec une circulation de suppléance de type Moya Moya. (Ann Neurol 1997)

Le DTC indicateur du risque d’AVC

Adams a ensuite démontré la capacité du DTC à prédire la survenue d’AVC chez des enfants drépanocytaires asymptomatiques. Cent quatre vingt dix enfants ont été suivis pendant 29 mois en moyenne. Vingt-trois avaient une vitesse moyenne supérieure à 1,70 m/sec. Sept AVC sont survenus dont six parmi les 23 patients avec DTC anormal. (NEJM 1992) Ce résultat a été confirmé par une étude ultérieure incluant 125 enfants supplémentaires, qui a retrouvé un risque d’ AVC de 40 % dans les 3 ans chez les enfants ayant une vitesse moyenne dans la CI terminale ou l’ACM supérieure ou égale à 2 mètres par seconde contre 2 % si le DTC était normal. En utilisant un Doppler couplé à l’échographie, nous avons vérifié que les critères décrits par Adams en Doppler aveugle pouvaient être utilisés en échographie Doppler. Alors que nous avions pris comme valeur seuil 1,70 m/sec, la vasculopathie suspectée par DTC chez 9 enfants sur une série de 58 enfants drépanocytaires a été confirmée par artériographie chez tous sauf un. Les quatre patients avec une vitesse supérieure à 1,90 m/sec avaient tous une sténose. Deux d’entre eux n’avaient pas d’antécédent neurologique. (Verlhac, Pediatric Radiology 1995)

Prévention de l’AVC par les transfusions

Le bénéfice thérapeutique du Doppler a été démontré par une étude américaine randomisée, multicentrique (étude STOP I) concernant 130 enfants ayant un DTC pathologique avec une vitesse supérieure ou égale à 2 mètres par seconde dépistés après screening de 1934 enfants âgés de 2 à 16 ans. La mise en route d’un programme transfusionnel visant à maintenir le taux d’hémoglobine S en dessous de 30 % permet de réduire le risque d’AVC de 10% par an à 2 %. Dix AVC et un hématome intracérébral sont survenus chez les 67 patients non transfusés contre un seul AVC chez les 63 transfusés.

L’étude STOP II montre qu’il n’est pas sécuritaire d’arrêter le programme transfusionnel même chez les patients ayant été transfusés pendant 30 mois et ayant normalisé leurs vitesses et n’ayant pas de sténoses à l’ARM (survenue de 2 AVC et 14 récidives de DTC pathologiques chez les 41 patients dont le programme transfusionnel avait été stoppé).

Cependant nous avons montré dans notre série de Créteil a montré que les transfusions pouvaient être arrêtées sans risque chez les enfants dont l'EDTC s'était normalisé (toutes les vitesses inférieures à 170 cm/sec) et dont l'AMR était normale, moyennant un traitement par hydrea et une surveillance serrée trimestrielle de l'EDTC et la reprise du programme transfusionnel en cas de récidive d'une vitesse pathologique (Bernaudin Ped Rad 2005).

L'efficacité du protocole de prévention par DTC et intensification du traitement a été confirmé par la chute spectaculaire du nombre des AVC en Californie dans les années suivant la mise en route du dépistage par EDTC et par le très faible taux d'AVC observé dans la cohorte des enfants drépanocytaires dépistés à la naissance de Créteil . Seuls deux AVC ont été observés parmi les 242 dépistés néonataux suivis à Créteil (suivi moyen de 6,2 ans (0,1-17,8) représentant 1498 années –patients) et ayant donc bénéficié du protocole de prévention des AVC ce qui correspond à une incidence de 0,13 pour 100 années-patients vs 0,85/100 années-patients dans une cohorte récente de Dallas, ce qui correspond à un risque de survenue d'AVC avant l'âge de 18 ans de 1.6% au lieu des 11% attendus. Il faut noter qu'aucun EDTC pathologique n'a été retrouvé chez les patients hétérozygotes composite SC/Sb+. Parmi les SS/Sb0 patients, 24 enfants ont eu un EDTC pathologique à un âge moyen de 3,3 ans (1,5- 10,2 ans ), ce qui correspond à un risque de survenue de DTC pathologique en Kaplan-Meier de 15.7% à 5 ans et et de 22.7% à 10 ans.

QUELLE EST LA FREQUENCE DES DTC PATHOLOGIQUES CHEZ LES ENFANTS DREPANOCYTAIRES ?

A Créteil, le dépistage néonatal de la drépanocytose existe depuis 1986 et a été généralisé dans la population ciblée du Val de Marne en 1995.
Dans la cohorte des 242 syndromes drépanocytaires majeurs (SDM) dépistés à la naissance et suivis au CHIC, le dépistage précoce de la vasculopathie par DTC, appliqué depuis 1992 à Créteil a permis de réduire à moins de 2% le risque d’AVC, à comparer au risque rapporté dans la littérature de 11,5% avant l’âge de 18 ans .
242 patients avec SDM dont 187 SS/Sb0 et 55 SC/Sb+. ont été suivi pendant un follow-up moyen de 6,1 ans (range1,1-18,4).
Seuls 3 AVC sont survenus dans notre cohorte d’enfants SS/Sb0 dépistés en néonatal et surveillés par DTC.

 

Le graphique ci-contre montre l’estimation d’incidence (Kaplan-Meier) de survenue d’un DTC pathologique en fonction du diagnostic : nous n’avons observé de DTC pathologiques (n=28) que dans la population SS/Sb0 à l’âge moyen de 3.2 ans (range 1.5-8.3 ans) et avec une estimation d’incidence (Kaplan-Meier) de 16,5 % à 5 ans et 23,1 à 10 ans tandis qu’aucun nouveau DTC pathologique n’a été observé au delà de l’âge de 8.3 ans dans notre expérience.

Dans l'étude STOP I ( 5613 DTC chez 2324 enfants) le Doppler était normal chez 1558 enfants (67%)avec une vitesse moyenne de 133 +/- 19.32 cm/s , limite chez 409 (17.6%) avec une VM177 +/- 13.33 cm/s et pathologique chez 217 enfants (9.3%) VM 224 +/- 26.76 cm/s, incomplet chez 140 enfants (6%). La fréquence des DTC pathologiques variait avec l'âge2–8 years 10.9%,9–12 years 9.7%, 13– 16 years 6.5% (P=0.027).(Adams R, Blood. 2004;103:3689-3694 )

COMMENT EVOLUENT LES VITESSES SOUS TRANSFUSION ?

Notre expérience concernant les enfants ayant un DTC pathologique et suivis entre 1992 et janvier 2004 a été rapportée en 2005 (BERNAUDIN Pediatric radiol 2005)

- ceux avec antécédent d’AVC (n=11) ayant des vitesses > 2 m/sec ont tous gardé des vitesses pathologiques sous PT (8/11 explorables seulement, 3 ayant une absence de fenêtre temporale) : 6/8 > 1,70 m/sec et 2/8 > 2 m/sec

- ceux sans antécédent neurologique (n=25) ont évolué de la façon suivante :

o 1 fillette dont le 1er DTC fait à l’âge de 18 mois était pathologique a fait un AVC dans le mois suivant, juste avant le contrôle du DTC : cette histoire malheureuse nous a fait changé notre conduite et désormais, une première transfusion est réalisée dès le 1er examen pathologique puis le programme transfusionnel mensuel est entrepris si le 1er DTC pathologique n’était pas en rapport avec une déglobulisation passagère

o 24 patients sans antécédent d’AVC mais avec DTC pathologique ont été mis sous PT et régulièrement contrôlés

 11/24 ont gardé des vitesses anormales§ > 1,70 m/sec

 13/24 ont normalisé leurs vitesses§ < 1,70 m/sec dans un délai médian de 0.75 ans (0.25-2.3 ans)

• 4/12 explorés par ARM avaient ARM anormale (dont 2 se sont normalisé sous PT)

• ainsi 10 patients avaient DTC normalisé et ARM normale ou normalisée
o 3/10 avaient reçu PT > 3 ans et il a été stoppé
o 7/10 switch vers Hydréa mais 4/7 ont récidivé des vitesses pathologiques
o 1/10 avec désaturation a été traité par O2 , mais du fait de récidive de DTC pathologique a été remis sous PT

Six enfants de cette série avec DTC pathologique ont été allogreffés :

- 2/11 parmi ceux avec antécédent d’AVC :

o ces 2 patients ont été greffés avec succès et sont AA et AS comme leur donneur et n’ont pas été retransfusés depuis 1 mois post-greffe

o l’absence de fenêtre temporale n’a pas permis la surveillance du DTC

o aucune lésion ischémique n’est apparue depuis la greffe

- 4 parmi les 11 enfants sans antécédent d’AVC

QUELLES SONT LES LESIONS VUES EN IMAGERIE EN RESONANCE MAGNETIQUE (IRM) ?

L’IRM est un examen très sensible dans la détection des lésions d’ischémie/infarctus qui apparaissent en iso ou hyposignal sur les séquences pondérées en T1 et en hypersignal sur les séquences T2 et Flair qui sont les plus sensibles.


On retrouve certes des infarctus massifs dans le territoire parenchymateux (substance grise et substance blanche) irrigué par une artère lésée, cérébrale antérieure et surtout cérébrale moyenne, mais aussi des infarctus jonctionnels cortico-sous-corticaux, jonctionnel antérieur à la jonction des territoires artériels de l' ACM et de l'ACA et jonctionnel postérieur à la jonction des territoires de l'ACM et de l'ACP et des infarctus lacunaires des noyaux gris centraux, de la capsule interne et surtout de la substance blanche périventriculaire et du centre ovale,qui est un territoire jonctionnel profond des artères perforantes. L’infarctus peut être lié à une interruption du flux sanguin, mais aussi à une chute importante du débit sanguin cérébral local responsable d’une hypoxie tissulaire, et parfois à la mobilisation d’embols. L’IRM permet aussi d’évoquer la présence d’un réseau collatéral type moyamoya sous forme d’un piqueté dans la région des noyaux gris centraux, d’autant plus que la CI et/ou l’ACM homolatérales ne sont pas visibles.
Les lésions sont bilatérales dans plus de la moitié des cas.

L’exploration systématique par IRM des enfants drépanocytaires a montré que les lésions ischémiques étaient retrouvées chez plus des trois quarts des patients ayant des antécédents d’AVC, mais aussi chez un grand nombre de patients sans antécédents neurologiques avec une fréquence de 17% à 21.8% chez les patients SS avant 14 ans. Le risque d’AVC clinique est 14 fois plus grand dans cette population avec une incidence de 8.1% dans les 5,2+-2,2 années suivantes. D’autre part, plusieurs études ont montré qu’ils étaient associés à des troubles cognitifs décelables par des tests psychométriques. Ces infarctus silencieux sont secondaires dans 2/3 des cas à un blocage du flux sanguin dans la microcirculation par falciformation des GR, épisodes de bas débit dans un territoire qui fonctionne sans réserve du fait de la vasodilatation artériolaire secondaire à l’anémie chronique et l’augmentation du débit sanguin et associés à une sténose artérielle dans 1/3 des cas.


Infarctus ancien dans le territoire de l’ACM droite en rapport avec une occlusion de l'ACM droite.

coupes axiale FLAIR, axiale T1, coronale FLAIR, ARM

 


Hypersignaux de la substance blanche

QU’EST-CE-QUE L’ARM ?(Angiographie en résonance magnétique)

C’est une séquence d’IRM réalisée au cours de l’exploration cérébrale qui permet d’étudier les artères intracrâniennes. Cette imagerie vasculaire non invasive s’est nettement améliorée ces dernières années et permet de visualiser les occlusions artérielles, mais aussi les sténoses même modérées .La séquence en temps de vol (time of flight) en acquisition tridimensionnelle (3D TOF) est la plus utilisée. L’injection de produit de contraste n’est pas nécessaire. Le travail sur console avec reconstruction et segmentation soigneuses des différentes artères permet de dégager chaque segment artériel.

Sténose des segments C1 et C2 de l’artère carotide interne gauche

 

 

Sténose du segment M1 de l’ACM droite et du segment A1 de l’ACA droite

 

 

QU’EST-CE-QUE L’IMAGERIE DE DIFFUSION

C’est une autre séquence d’imagerie qui permet de détecter les accidents ischémiques récents dès la première heure d’un AVC et de différentier les lésions ischémiques aiguës de moins de 7 jours des lésions anciennes.

 

RECOMMANDATIONS POUR LA PREVENTION PRIMAIRE DE L’AVC CHEZ L’ENFANT DREPANOCYTAIRE

  1. EDTC dès la 2ème année de vie chez tous les patients Hb SS ou Sß0

 

  1. Contrôle annuel si les vitesses sont  normales (vitesses < 170 cm/sec). L’examen doit être fait en dehors d’une complication aigue. Poursuivre la surveillance EDTC jusqu’à l’âge de 16-18 ans.

 

  1. En cas d’EDTC pathologique (au moins une vitesse intra ou extracrânienne ≥ 200 cm/sec)

 

    1.  Faire une NFS le jour même,  organiser une transfusion simple dans les jours suivants et  débuter un programme transfusionnel (PT)

 

    1. Programmer une IRM avec séquences d’angiographie en temps de vol du polygone de Willis et des troncs supra-aortiques à faire dans 3 mois (à faire après 2 transfusions)

 

    1. Poursuivre le PT pendant un an et contrôler l’EDTC à 1 an.

 

    1. Si à 1 an, l’EDTC s’est normalisé avec toutes les vitesses intra et extracrâniennes <170 cm/sec, introduire l’Hydroxyurée (HU) tout en  continuant le PT jusqu’à la dose maximale tolérée d’HU (175 à 210 mg/kg/semaine), soit environ 6 mois de chevauchement PT + HU, et refaire un EDTC à 6 mois. S’il est toujours normal, arrêter le PT et poursuivre l’HU. Faire un contrôle EDTC tous les 3 mois et reprendre le PT si l’EDTC redevient pathologique avec une vitesse ≥ 200 cm/sec.

     

Poursuivre le contrôle EDTC trimestriel pendant 1 an, puis repasser à un rythme de surveillance annuel si les vitesses sont restées normales pendant un an.

 

    1. Si à 1 an, l’EDTC reste pathologique avec au moins une vitesse intra ou extracrânienne ≥ 170 cm/sec ou s’il existe des sténoses à l’angiographie en résonance magnétique, poursuivre le PT jusqu’à normalisation des vitesses avec contrôle annuel de l’EDTC et rechercher un donneur familial génoidentique en vue d’une greffe de moelle.

 

  1. En cas d’EDTC limite avec au moins une vitesse comprise entre  ≥170 et <200 cm/sec en  intracrânien, le PT n’est pas recommandé, mais l’EDTC doit être contrôlé tous les 3 mois, d’autant plus que l’enfant est jeune. Il existe en effet un risque majeur de conversion vers un EDTC pathologique chez l’enfant de moins de 4 ans. Discuter du traitement par Hydroxyurée

 

Concernant les vitesses extracrâniennes

 

a. En cas de vitesses pathologiques ≥ 200 cm/sec, appliquer le même                 protocole qu’en intracrânien, c-à-d mettre en route un PT.

 

b. En cas de vitesses comprises entre 170 et 200 cm/sec, on sait que le risque de sténose est important. Donc faire une imagerie des artères carotides extracrâniennes de préférence en IRM par une séquence d’angiographie en temps de vol multipaliers ne nécessitant pas d’injection de produit de contraste.

            S’il y a une sténose, débuter le PT.

Sinon, envisager un traitement par HU et contrôler l’EDTC tous les 3 mois pour débuter le PT en cas d’augmentation de la vitesse à 200 cm/sec ou plus.

 

 

Recommandations pour la transfusion :

La première transfusion sera effectuée dès la mise en évidence d’un EDTC pathologique après un contrôle de la NFS avec réticulocytes, du bilan ferrique (Fer, CTF, ferritine) et des RAI.  Les vitesses pathologiques concernant principalement les jeunes enfants entre 2 et 7 ans aux abords veineux difficiles, nous recommandons de débuter le programme par des transfusions simples de 10 à 15 ml/kg maximum qui permettent parfaitement au rythme de 1 toutes les 3 à 4 semaines de maintenir le taux d'HbS < 30 %. Il faut se méfier des échanges qui dans le premier temps de saignée abaissent l'hémoglobinémie chez ces patients suspects de sténose artérielle cérébrales et chez lesquels toute accentuation de l’anémie pourrait favoriser la survenue d’un AVC. Les échanges qui servent à limiter la surcharge en fer et à mieux abaisser le taux d'hémoglobine si nécessaire, seront entrepris dans un second temps et devront toujours être adaptés au taux d'Hb et au % d'HbS du jour.

Les patients transfusés auront bien sûr été vaccinés au préalable par le vaccin de l’hépatite B avec contrôle de la sérologie. Ils auront un contrôle des RAI, une NFS et une électrophorèse de l’hémoglobine avant chaque transfusion et des sérologies virales (CMV, HIV, HTLV) tous les 3 mois

© S Verlhac, F Bernaudin. drepanosite. Mars 2006. Mise à jour janvier 2018


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